La constitution srilankaise : le complot politique à l’origine de l’hostilité ethnique.
Une voix unique résonne de loin. C’est une voix solitaire.
Un Cinghalais d’âge mûr s’adresse à son petit-fils qui est appelé sous les drapeaux:
Pourquoi vas-tu faire la guerre ? Pour défendre ton territoire ? Depuis quand les Tamouls sont propriétaires de leur terre ? Nous autres, nous sommes sans terre. Demande d’abord à ces politiciens et ces moines bouddhiques s’ils pourront nous faire transférer le surplus de la terre à ceux qui en jouissent? Si non quelle terre vas-tu récupérer ?
N’es-tu pas Cinghalais, toi-aussi? Tu ne possèdes même pas une parcelle de terre dans le pays de tes ancêtres. Pourtant on te demande de participer à la guerre. Tu dois défendre la terre où tu as pris racine, non celle où ils se sont enracinés. Il faut que tu fasses la guerre contre ce gouvernement, ton ennemi. On te fourvoie.
C’est en spoliant les Tamouls que ce gouvernement a donné de la terre à ceux qui n’en avaient pas. N’y a-t-il pas suffisamment de terre dans le sud du Sri Lanka ? Est-ce que les premiers Cinghalais se sont installés à Galle ? Et alors pourquoi le gouvernement a-t-il ordonné aux Tamouls de déguerpir de leur possession du jour au lendemain ? Quelle terre perdue doit-elle être restituée pour que la paix devienne permanente.
« Vas-tu leur emprunter l’arme à feu pour tuer les Tamouls ? Vas-tu tuer les Tamouls avec l’arme que tu as empruntée à ces chiens politiques égoïstes ? Ceux-ci te laisseront aller devant pour te sacrifier. Ils te poussent vers le crime. Ne perds pas ta vie en meurtrier. »
Cette voix ne s’est jamais fait entendre jusqu’ici. C’est pour la première fois qu’on l’entend. Cette voix, c’est celle de Ratna Nayakka, un personnage âgé du roman de Guna Kaviyazaghan, Garppanilam. Le personnage est peut-être fictif, mais il dévoile la vérité, rien que la vérité.
Que les Cinghalais se sont emparés des terres habitées par les Tamouls, cela fait-il partie de la psychologie des Cinghalais ? Ou une habitude qui est née depuis le début de l’humanité ?
A quelle époque a pris naissance cette psychologie de la majorité cinghalaise ? On serait tenté de dire que c’est à partir du moment où les Cinghalais ont obtenu l’indépendance en 1948. Ce serait faux.
« Cette attitude est le fruit vénéneux d’un arbre qui a pris racine il y a environ plus de 2250 ans. C’est une institution des plus vieilles du monde, et l’une des mieux organisées. Elle s’est associée à la religion. Elle s’est endurcie au fil des époques et transmise par les monarques et les gens au pouvoir politique. »
L’objectif que s’est proposé le Mahavamsa, c’est de défendre le bouddhisme. Quand une chose s’est institutionnalisée, elle agira toujours autant. Mais qu’a fait le Mahavamsa par le biais de ses moines ?
« Tout enfant qui défend le bouddha dharma est l’enfant de Bouddha, » dit le moine bouddhique. « Quand l’enfant grandit, son devoir est de protéger sa religion, » ajoute-t-il. Dans le roman de Guna, Sumattri, la Cinghalaise, en a sidérée.
« Comment la religion d’un pacifiste peut-elle inciter à la guerre ? La guerre pour la religion qui s’oppose à la guerre ? Ce dharma est une contradiction en termes. La religion des Tamouls constitue-elle une menace ? Quelle guerre ont-ils déclenchée ? »
Neutraliser tout homme et toute communauté qui n’adhèrent pas à leur religion : voilà L’objectif que se sont proposé le Mahavamsa, les moines bouddhiques, le gouvernement et les politiciens imbus de pouvoirs.
La constitution en est la preuve écrite.
Tout pays se donne une constitution. Celle du Sri Lanka, dite de Donoughmore, est déjà en vigueur en 1831, avec l’accord des Britanniques.
En parallèle avec l’Indian National Congress qui menait de front la lutte pour l’indépendance indienne, au Sri Lanka, le Sri Lanka National Congress dirigé par Sir Pon Arunachalam, Tamoul, a lancé le mouvement de l’indépendance.
Six ans plus tard, les Tamouls ont mis sur place Jaffna Youth Congress. C’est cet organisme qui avait invité en novembre 1927,à Jaffna, Mahatma Gandhi. Du coup la Grande Bretagne se mit à le voir d’un mauvais œil car, de leur point de vue, Jaffna Youth Congress émulait l’Inde sur la voie de l’indépendance. Elle y voyait une menace à sa suprématie. C’est à cette époque-là que fut écrite la constitution dite de Donoughmore.
En 1947, toujours sous le régime britannique, la constitution dite de Soulbury entre en vigueur, préparée sous la direction de celui-ci.
A une époque où partout ailleurs dans le monde les pays s’insurgeaient contre la domination politique des Britanniques, les Cinghalais n’en éprouvaient le moindre besoin. Hostiles contre les Indiens, ils apportaient leur soutien aux Britanniques.
Leur attitude s’est cristallisée dans la constitution dite de Soulbury. C’est Senanayake, leader des Cinghalais qui deviendra plus tard le premier premier ministre du Sri Lanka, qui a collaboré à la préparation de cette constitution avec pour but de s’en servir en faveur des Cinghalais. En effet, à son retour en Angleterre, en 1961, Soulbury regrettera que son œuvre ait servi de base pour toutes les atrocités commises conte les Tamouls au Sri Lanka.
La susdite constitution incite une religion qui est censée détester la guerre à devenir celle qui préfère la guerre.
En tamoul, ‘on dit qu’ avant l’arrivée de l’éléphant, on entend le son de ses clochettes’. De même, avec les cinghalais, chaque fois que la flambée du racisme et de l’agression éclate, elle sera suivie d’une constitution qui l’autorisera.
La constitution de 2018 du régime actuel de Srisena fera le silence sur la politique des compensations pour les victimes de Mullivaïkal, mais justifiera par contre la carnage raciste. « Depuis Donoughmore jusqu’à Sirisena, toute constitution ne fait que refléter la situation politique du pays, » dit le chercheur en science politique, M.M. Thirunavukarasu. Il ajoute qu’une constitution s’identifie « non avec les mots qu’elle contient, mais avec son fonctionnement ».
Le mot constitution désigne la façon dont doit fonctionner la démocratie. Mais au Srilanka, ce mot s’adapte mal à la réalité. C’est la politique raciste du Sri Lanka qui constitue le thème principal des propos que tient M.M. Thirunavukarasu qui connaît les tenants et les aboutissants de ce pays.
Aujourd’hui les Tamouls d’Eelam sont dispersés aux quatre coins du monde. Les pays où ils vivent ne leur appartiennent pas. C’est le racisme qui les a disséminés dans ces pays, plus particulièrement au Canada, en Angleterre, en France et en Allemagne. Leur histoire pleine de drames, il ne suffit pas de nous la raconter entre nous-mêmes. Il faut la faire connaître à travers le monde entier, en langue française en France, en langue anglaise au Canada, en Grande Bretagne et en allemand en Allemagne. La responsabilité échoit à tout Tamoul d’Eelam.
Cette traduction française est le premier pas vers cet objectif. En la publiant, nous n’avons qu’un désir : les Tamouls en exil se doivent de poursuivre la tâche dans la langue du pays où ils vivent.
- Pa.Jeyapirakasam
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